Guerre en Ukraine : progression accélérée de l’armée russe dans l’est, inquiétudes autour de Pokrovsk

Monde

Selon une analyse de données établies par l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW) et le Critical Threats Project (CTP), consultées par l’AFP, les forces russes ont enregistré mardi leur plus importante avancée en une journée depuis plus d’un an en Ukraine. Cette tendance s’inscrit dans un mouvement d’accélération engagé depuis avril.

Une progression constante mais limitée en proportion

Sur les douze derniers mois, la Russie aurait conquis plus de 6 100 km², soit environ quatre fois plus que sur la période précédente. Toutefois, cela représente environ 1 % du territoire ukrainien d’avant-guerre, incluant la Crimée et le Donbass. Les forces russes contrôlent actuellement de manière totale ou partielle près de 19 % du pays.

Un axe stratégique au nord-est de Pokrovsk

D’après le site d’analyse militaire DeepState, les troupes russes ont gagné une dizaine de kilomètres dans la région de Pokrovsk, dans l’Est ukrainien. L’état-major de Kiev signalait mardi des combats à Koutcheriv Iar, localité située récemment encore à plusieurs kilomètres de la ligne de front. Moscou a par ailleurs revendiqué la prise de Nykanorivka et Souvorové, au sud-ouest de Dobropillia.

Des experts appelant à la prudence

Pour l’ancien officier ukrainien et analyste Tatarigami_UA, il est encore trop tôt pour parler d’une « percée opérationnelle », même si la situation mérite une vigilance renforcée. Selon lui, le groupement russe présent vers Pokrovsk pourrait dépasser 100 000 militaires, ce qui accroîtrait le risque d’une extension de l’offensive. Il précise que les forces russes auraient identifié et pénétré un point faible dans les lignes ukrainiennes, mais devraient encore élargir cette brèche avant de parler de percée confirmée.

Michael Kofman, expert de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, estime lui aussi qu’une rupture reste incertaine, tout en jugeant l’hypothèse crédible. Il pointe la possibilité d’un repli rapide de certaines positions ukrainiennes et alerte sur la menace envers Druzhkivka, Kramatorsk et Sloviansk.

Encerclement et redéploiement du front

D’après un reportage de CNN, la Russie capitaliserait sur une série de petites avancées pour remodeler le front estival. Ses troupes, souvent organisées en petites unités, progresseraient à pied, tandis que des drones atteindraient désormais des zones auparavant considérées comme sûres, comme Dobropillia. Des militaires ukrainiens évoquent sous anonymat la crainte d’un encerclement de Pokrovsk, Kostiantynivka et Koupiansk, ce qui fragiliserait la défense de l’est de Donetsk.

Des difficultés structurelles dans les défenses ukrainiennes

Michael Kofman relève également des problèmes de cohésion des lignes de défense ukrainiennes et un manque chronique d’effectifs. Il cite la poursuite d’une doctrine du « pas un pas en arrière », parfois appliquée dans des zones désavantageuses et malgré des ressources limitées. Cela se traduirait par des positions tenues dans des conditions intenables et par des contre-attaques coûteuses sur des points à faible valeur stratégique.

Critiques internes sur la conduite des opérations

Une enquête du Wall Street Journal rapporte le témoignage de militaires ukrainiens décrivant un commandement redevenu centralisé et rigide, inspiré de méthodes soviétiques. Certains jugent ce fonctionnement défavorable à l’initiative sur le terrain et évaluent qu’il entraîne des pertes évitables, des refus de retraits tactiques et un moral affaibli au sein des troupes.

Des critiques sont également formulées à l’encontre du commandant en chef Oleksandr Syrskyi, nommé en 2024, accusé de privilégier une approche centralisée et de retarder certaines retraites, notamment lors de la défense prolongée de Bakhmut. Plusieurs soldats lui reprocheraient de maintenir des opérations coûteuses pour des positions jugées symboliques.

Vers un pic des capacités offensives russes ?

Tatarigami_UA considère que la Russie pourrait se trouver à l’apogée de sa puissance offensive, en particulier autour de Pokrovsk. La rencontre annoncée entre Vladimir Poutine et Donald Trump le 15 août pourrait, selon lui, inciter Moscou à intensifier ses manœuvres afin de renforcer sa position lors d’éventuelles négociations.

Les prochains jours permettront de déterminer si l’armée russe dispose encore de marges pour accroître ses offensives ou si elle a déjà engagé le maximum de ses forces disponibles sur ce secteur du front.