Prix des médicaments : tensions croissantes entre industrie et autorités de régulation

Monde

Contexte mondial et enjeux du prix des médicaments

Les relations entre les laboratoires et les autorités de régulation du secteur de la santé se font de plus en plus tendues à l’échelle mondiale lorsqu’il est question des tarifs des traitements récents. Les fabricants estiment que les organismes de régulation ne récompenseraient pas suffisamment l’innovation, tandis que les autorités sanitaires s’inquiètent d’une hausse des coûts des thérapies innovantes dans un contexte politique et budgétaire tendu.

Influence politique et montée des tensions

La dynamique est en partie alimentée par des signaux de pression politique. En mai, le président des États-Unis a signé un décret visant à aligner les prix des médicaments américains sur les niveaux les plus bas observés dans les pays dont le PIB par habitant est d’au moins 60 % du niveau américain, tout en appelant les pays européens à contribuer davantage au coût de l’innovation.

Évolution du modèle tarifaire et chiffres clés

Depuis les années 1990, le système de fixation des prix a évolué, passant d’un modèle largement centré sur les coûts à une évaluation fondée sur la valeur des traitements. Cette transition n’a pas permis d’éliminer les tensions liées au financement des nouvelles thérapies, qui restent coûteuses à développer.

Selon IQVIA, les dépenses mondiales liées aux traitements anticancéreux, hors coûts médicaux additionnels, ont augmenté d’environ 75 % sur cinq ans, atteignant 252 milliards de dollars en 2024. Des responsables estiment que l’augmentation du nombre de traitements, notamment dans le cancer et les maladies rares, est globalement positive mais que leur coût élevé est nécessaire pour financer le développement clinique.

Roche a précisé que la mise sur le marché d’un nouveau traitement nécessite environ dix ans et un investissement d’environ 5,5 milliards de francs, avec seulement environ 10 % des candidats en essais cliniques arrivant à la commercialisation.

Effets en Europe et accès au remboursement

Des pays comme l’Italie, l’Espagne et la France exigent aujourd’hui des remises et des rabais pour obtenir des prix plus bas et un accès rapide aux traitements. Les laboratoires acceptent ces accords à condition qu’ils restent confidentiels afin d’éviter que d’autres pays n’imposent des prix plus bas que leurs pairs. Cette pratique a néanmoins brouillé les repères du prix de référence international, rendant celui-ci largement illusoire.

Des économistes et experts en santé soulignent que la situation persiste depuis au moins deux décennies et complique la transparence des mécanismes de tarification.

Accès patient et perspectives

Face à l’impossibilité de réduire durablement les coûts, les États exigent davantage de justifications sur les prix. Presque tous les pays disposent aujourd’hui d’agences qui évaluent les technologies de la santé (HTA), pesant les aspects médicaux, sociaux, éthiques et économiques des traitements. Les négociations s’allongent, retardant parfois l’accès des patients aux médicaments nouvellement approuvés.

En Europe, seuls 29 % des traitements approuvés au cours des trois années précédant 2024 étaient accessibles via les systèmes de remboursement centralisés des assurances santé, contre 42 % en 2019, selon l’étude W.A.I.T. publiée par la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques. Certains traitements, pourtant disponibles aux États‑Unis, ont été jugés non rentables par certains régulateurs européens, ce qui a entraîné des retours ou des retards dans leur prise en charge locale. En juillet, Roche a retiré Lunsumio du marché suisse après que les autorités ont demandé davantage de preuves pour fixer un prix définitif.

À ce jour, aucune solution claire ne se profile pour la tarification des traitements innovants. Les experts estiment que les appels à des prix plus élevés dans d’autres pays pourraient aggraver les tensions entre systèmes de santé et acteurs pharmaceutiques à l’échelle internationale.