La cohabitation entre vélos, transports publics, voitures et piétons demeure parfois complexe en Suisse.
Constats à Berne et observations de terrain
À Berne, sur le site du Loryplatz, la place attribuée au vélo peut s’effacer brusquement: des rails de tram coupent la route, un passage pour piétons apparaît et un giratoire vient compliquer la manœuvre.
Lors d’un échange avec un journaliste du Tages-Anzeiger, l’urbaniste néerlandaise Elke Schimmel a été invitée à évaluer la scène: « Feriez-vous rouler votre enfant de 10 ans ici ? ». Sa réponse était sans équivoque: « Non. » Pour elle, « un aménagement doit être intuitif; ici, l’ensemble n’est pas lisible. »
Une étude de terrain à Berne
En marge d’une conférence Veloforum Suisse, elle a parcouru l’itinéraire entre la gare de Berne et Thörishaus pour dresser son constat: si les intentions sont claires, l’implantation l’est moins. À un carrefour, la signalisation tournante pour la gauche est placée trop haut et invisible; plus loin, une barrière bloque le passage sans solution alternative; elle est contrainte de partager le trottoir avec les piétons. Des panneaux disparaissent parfois derrière des buissons.
Le regard sur les Pays-Bas
Pour Elke Schimmel, l’expérience de l’usager doit guider toutes les décisions. Aux Pays-Bas, les pistes cyclables forment un réseau global, lisible et sûr. À Utrecht, une ancienne autoroute a été transformée en canal bordé d’espaces dédiés à la mobilité douce; autour d’Eindhoven, des itinéraires rapides pour vélos électriques rivalisent avec l’autoroute; et à Gand, un plan de circulation cherche à libérer le centre du trafic de transit. Elle répète que « le vélo est un levier stratégique de la politique climatique, pas seulement un complément aux transports publics ».
Progrès en Suisse: ambitieuses mais progressifs
Depuis 2023, une nouvelle loi sur les pistes cyclables oblige les cantons à mettre en place, d’ici 2042, des réseaux continus et sûrs pour les trajets quotidiens, les loisirs et le VTT. Les plans doivent être prêts en 2027. Selon l’Office fédéral des routes, « les cantons sont sur la bonne voie »: 25 sur 26 disposent déjà de services spécialisés. Mais l’étape suivante consiste à mettre les projets en pratique. Le directeur Jürg Röthlisberger rappelle que l’argent n’est pas le principal obstacle: « la moitié des fonds des programmes d’agglomération reste inutilisée faute de projets mûrs. »
Construire une culture du vélo
La spécialiste estime que la question dépasse la technique. Aux Pays-Bas, les enfants roulent seuls parce que les parents savent qu’aucun piège n’attend les rues. « Il peut pleuvoir, il peut y avoir du vent, et pourtant le vélo demeure praticable », observe-t-elle. Sur le chemin du retour, elle remarque une déviation de chantier parfaitement balisée, réservée aux cyclistes, à Köniz: preuve que ce type d’aménagement est possible, selon elle, avant de reprendre sa route dans la nuit bernoise.